« La pensée ne doit pas se soumettre » (Inédit)
A propos du blasphème et de la liberté d’expression, un texte de Isabelle Stengers de 2009.
Souvenir de cette soirée de mars 2007 au Janson. Caroline Fourest campe la continuité héroïque d’une histoire où le droit de blasphémer a été acquis contre des autorités obscurantistes, et doit, désormais, être maintenu et défendu, quoi qu’il en coûte, contre un nouvel assaut, d’autant plus douloureux que son origine se situe dans ces pays du Tiers Monde qui furent longtemps synonymes de lutte contre l’oppression. Des notables, enchantés de se voir appelés au refus de lâches compromis inspirés par la mauvaise conscience, applaudissent, mais des jeunes gens dans l’auditoire rient et chantent « La pensée ne doit pas se soumettre ? Mais elle est soumise… » L’intention est claire : il s’agit d’un blasphème – le libre examen, puisque l’on peut blasphémer contre lui, appartient au registre de la foi, mais une foi qui se nie elle-même pour mieux persécuter les autres. Pour mieux imposer le monopole de ces valeurs que nous avons été appelés à promouvoir.